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ma pauvre grand’mère dans un désespoir affreux. Il eut des suites sur toute la vie de ce jeune homme qui, depuis 94, avait oublié ce que c’est que la souffrance, l’isolement, la contrainte et la réflexion. Peut-être une révolution décisive s’opéra-t-elle en lui. À partir de cette époque, il fut, sinon moins gai extérieurement, du moins plus défiant et plus sérieux au fond de son ame. Il eût oublié Victoire dans le tumulte et l’enivrement de la guerre : Il retrouva son image fatalement liée à toutes ses pensées, dans les durs loisirs intellectuels de l’exil et de la captivité. Rien ne prédispose à une grande passion comme une grande souffrance.

LETTRE XIV.

» Padoue, 15 nivose an IX (janvier 1801).

» Ne sois point inquiète, ma bonne mère ; j’avais prié Morin de t’écrire ; ainsi, tu sais sûrement déjà que je suis prisonnier. Je suis maintenant à Padoue et en route pour Gratz. J’espère être bientôt échangé, le général Dupont m’ayant fait redemander à M. de Bellegarde le matin même du jour où j’ai été pris. Je ne puis t’en dire davantage maintenant ; mais j’espère que, bientôt, je t’annoncerai mon retour.

Adieu ! je t’embrasse de toute mon ame. J’embrasse aussi père Deschartres et ma bonne. »