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le savent, tous l’avouent, et pourtant personne ne blâme et ne soufflète ces femmes impudentes quand elles blâment et soufflètent des femmes moins coupables qu’elles.

Lorsque ma grand’mère vit son fils épouser ma mère, elle fut désespérée ; elle eût voulu dissoudre de ses larmes le contrat qui cimentait cette union. Mais ce ne fut pas sa raison qui la condamna froidement, ce fut son cœur maternel qui s’effraya des suites. Elle craignit pour son fils les orages et les luttes d’une association si audacieuse, comme elle avait craint pour lui les fatigues et les dangers de la guerre ; elle craignit aussi le blâme qui allait s’attacher à lui, de la part d’un certain monde ; elle souffrit dans cet orgueil de moralité qu’une vie exempte de blâme légitimait en elle ; mais il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour voir qu’une nature privilégiée secoue aisément ses ailes, et peut élever son vol dès qu’on lui ouvre l’espace. Elle fut bonne et affectueuse pour la femme de son fils, pourtant, la jalousie maternelle resta et le calme ne se fit guère. Si cette tendre jalousie fut un crime, à Dieu seul appartient de la condamner, car il échappe à la sévérité des hommes, à celle des femmes surtout.

Depuis Asola, c’est-à-dire depuis la fin de l’année 1800 jusqu’à l’époque de ma naissance, en 1804, mon père devait souffrir mortellement aussi du partage de son ame entre une mère