pourront peut-être se charger de te faire tenir l’argent. Mais, en attendant, tu es dans un pays désert et dévasté sans un sou dans ta poche ! Si tu pouvais demander au caissier du régiment, ou au chef de brigade de t’en avancer, je leur ferais bien parvenir le remboursement. Ton insouciance à cet égard me désole.
Vivre de pommes de terre et d’eau-de-vie ! Quelle nourriture après de telles fatigues ! après des marches forcées, par un temps affreux et des nuits dans des prés pleins d’eau ! Mon pauvre enfant, quel état, quel métier ! On a plus soin des chevaux et des chiens durant la paix que des hommes à la guerre. Et tu résistes à tant de fatigues ! tu les oublies pour rendre la vie à un malheureux que le sort amène près de toi ! Ta bonne action m’a touchée profondément ; ta sensibilité, ton éloquence ont touché ces brutaux qui voulaient achever un pauvre homme ; et tu es revenu dormir sur ton manteau, plus satisfait qu’après tous les plaisirs que ma sollicitude voudrait te procurer ! La vertu seule, mon enfant, donne cette sorte de délice. Malheureux qui ne la connaît pas ! C’est dans ton cœur que tu l’as trouvée, car il n’y avait dans ce bon mouvement ni ostentation, ni regards publics, ni instinct d’imitation. Dieu seul te voyait ! Ta mère seule en devait avoir le récit. C’est l’amour du bien qui t’a conduit. Tu parles toujours de ta bonne étoile : sois sûr que ce sont les bonnes actions qui portent bonheur,