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détachement. Je ne pouvais cacher ma vive impatience de rejoindre le régiment. J’attends un mois avec anxiété. Enfin, on forme un détachement ; j’en fais partie. Je manœuvre tous les jours avec lui ; je parle guerre avec les plus anciens chasseurs ; ils voient combien je désire partager leurs fatigues, leur travaux et leur gloire. C’est là, ma bonne mère, le secret de leur amitié pour moi, bien plus que les bienvenues que je leur avais payées. Enfin le jour du départ était fixé ; il n’y avait plus que huit jours à attendre. Je t’écrivais des balivernes, mais pouvais-tu croire que je me serais passionné pour le pansage et le fourniment, si je n’avais pas eu l’idée de faire campagne ?

« Au moment où je m’y attendais le moins, je reçois du général une lettre où il me dit, en termes fort aimables à la vérité, mais très précis, qu’il veut que je reste au dépôt jusqu’à nouvel ordre.

Regarde le mauvais personnage qu’il me faisait jouer ! Comment donc aller expliquer et persuader à tout le régiment que, si je ne pars pas, ce n’est pas ma faute ? j’étais au désespoir. Je montrais cette lettre funeste à tous mes amis. Les officiers voyaient bien mon esclavage et ma douleur ; mais le soldat qui ne sait pas lire et qui ne raisonne guère, n’y croyait pas. J’entendais dire derrière moi : « Je savais bien qu’il ne partirait pas. Les enfans de famille ont peur.

Les gens protégés ne partent jamais, etc. La