toute sa population.
L’armée française était décimée par les combats, les maladies et la désertion. La loi de la conscription, imaginée et adoptée, le Directoire la mit à exécution sur-le-champ en ordonnant une levée de 200,000 conscrits. Mon père avait vingt ans.
Depuis longtemps son cœur bondissait d’impatience, l’inaction lui pesait, le jeune homme s’agitait et faisait des vœux pour qu’un gouvernement stable, comme disait sa mère, lui permît de servir. Il faisait bon marché, lui, de la stabilité des choses. Quand les réquisitions forcées venaient lui enlever son unique cheval, il frappait du pied en disant : « Si j’étais militaire, j’aurais le droit d’être cavalier ; je prendrais à l’ennemi des chevaux pour la France, au lieu de me voir mettre à pied comme un être inutile et faible. » Soit instinct aventureux et chevaleresque, soit séduction des idées nouvelles, soit insouciance de tempérament, soit plutôt, comme ses lettres le prouvent en toute occasion, le bon sens d’un esprit clair et calme, jamais il ne regretta l’ancien régime et l’opulence de ses premières années. La gloire était pour lui un mot vague, mystérieux, qui l’empêchait de dormir, et quand sa mère s’attachait à lui prouver qu’il n’y a pas de gloire véritable à servir une mauvaise cause, il n’osait pas discuter, mais il soupirait profondément et se disait tout bas, que toute cause est