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les acteurs improvisés restèrent amis. La pièce qui eut le plus de succès, et qui fit briller chez mon père un talent de comédien spontané et irrésistible, fut un drame détestable, en grande vogue alors, mais dont la lecture m’a beaucoup frappée, comme un échantillon de couleur historique : Robert, chef de brigands.

Ce drame, imité de l’allemand, n’est qu’une misérable imitation des Brigands de Schiller, et pourtant cette imitation a de l’intérêt et de l’importance, car elle implique toute une doctrine. Elle fut représentée pour la première fois à Paris en 1792 ; c’est le système jacobin dans son essence, Robert est un idéal du chef de la montagne, et j’engage mon lecteur à le relire comme un monument très curieux de l’esprit du temps.

Les Brigands de Schiller sont et signifient toute autre chose. C’est un grand et noble ouvrage, rempli de défauts exubérans comme la jeunesse car c’est l’œuvre d’un enfant de vingt et un ans, comme chacun sait ; mais si c’est un chaos et un délire, c’est aussi une fiction d’une haute portée et d’un sens profond.

Ces représentations théâtrales remplirent les loisirs de la société de La Châtre durant quelques mois, et échauffèrent l’imagination de mon père plus que sa mère ne pouvait le prévoir. Bientôt l’action scénique n’allait plus le satisfaire, et il allait échanger son sabre de bois doré pour un sabre à la hussarde.