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ont été grands par le courage, par la victoire, ce qui suppose un grand élan donné au patriotisme ; tout aussitôt l’auteur présente la peinture de l’abattement et de l’égoïsme qui s’emparent de ces mêmes Français devenus insensibles aux peines d’autrui pour avoir trop souffert eux-mêmes. — C’est que ce ne furent pas les mêmes Français, voilà tout. Les heureux d’hier, ceux qui avaient longtemps disposé du bonheur d’autrui, durent faire un grand effort pour s’habituer à un sort précaire. Les meilleurs d’entre eux, ma grand’mère, par exemple, gémirent de n’avoir plus rien à donner, et de voir des souffrances qu’ils ne pouvaient plus soulager. En leur ôtant la fonction de bienfaiteurs du pauvre, on les contristait profondément, et les bienfaits de la société renouvelée n’étaient pas sensibles encore. Ils pouvaient l’être d’autant moins que cette régénération avortait en naissant, que la bourgeoisie prenait le dessus, et qu’à l’époque où ma grand’mère jugeait la société, elle agissait sans s’en rendre compte à l’agonie des droits et des espérances du peuple.

Quant aux Français des Armées, ils étaient nécessairement les amis de tout ce qui était resté en France. Ils défendaient et le peuple et la bourgeoisie, et la noblesse patriote. Héroïques martyrs de la liberté, ils avaient une mission incontestable et glorieuse dans tous les temps, à tous les points de vue, celle de