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m’avait munie, que la suppression de mon repas me donnait le droit et le moyen d’aller au spectacle.

On voit qu’au milieu de mes projets et de mes émotions, je n’avais rien appris. J’avais lu de l’histoire et des romans ; j’avais déchiffré des partitions, j’avais jeté un œil distrait sur les journaux et un peu fermé l’oreille à dessein aux entretiens politiques du moment. Mon ami Néraud, un vrai savant, artiste jusqu’au bout des ongles dans la science, avait essayé de m’apprendre la botanique ; mais en courant avec lui dans la campagne, lui chargé de sa boîte de ferblanc, moi portant Maurice sur mes épaules, je ne m’étais amusée, comme disent les bonnes gens, qu’à la moutarde ; encore n’avais-je pas bien étudié la moutarde et savais-je tout au plus que cette plante est de la famille des crucifères. Je me laissais distraire des classifications et des individus par le soleil dorant les brouillards, par les papillons courant après les fleurs et Maurice courant après les papillons.

Et puis j’aurais voulu tout voir et tout savoir en même temps. Je faisais causer mon professeur, et sur toutes choses il était brillant et intéressant ; mais je ne m’initiai avec lui qu’à la beauté des détails, et le côté exact de la science me semblait aride pour ma mémoire récalcitrante. J’eus grand tort ; mon Malgache, c’est ainsi que j’appelais Néraud, était un initiateur admirable,