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même très inégal, de mon revenu, j’avais tenté de me créer quelque petit métier. J’avais essayé de faire des traductions : c’était trop long, j’y mettais trop de scrupule et de conscience ; des portraits au crayon ou à l’aquarelle, en quelques heures : je saisissais très bien la ressemblance, je ne dessinais pas mal mes petites têtes, mais cela manquait d’originalité : de la couture ; j’allais vite, mais je ne voyais pas assez fin, et j’appris que cela rapporterait tout au plus dix sous par jour : des modes ; je pensais à ma mère, qui n’avait pu s’y remettre faute d’un petit capital. Pendant quatre ans j’allai tâtonnant et travaillant comme un nègre à ne rien faire qui vaille pour découvrir en moi une capacité quelconque. Je crus un instant l’avoir trouvée. J’avais peint des fleurs et des oiseaux d’ornement en compositions microscopiques sur des tabatières et des étuis à cigares en bois de Spa. Il s’en trouva de très jolis que le vernisseur admira lorsque à un de mes petits voyages à Paris, je les lui portai. Il me demanda si c’était mon état, je répondis que oui, pour voir ce qu’il avait à me dire. Il me dit qu’il mettrait ces petits objets sur sa montre, et qu’il les laisserait marchander. Au bout de quelques jours, il m’apprit qu’il avait refusé quatre-vingts francs de l’étui à cigares : je lui avais dit, à tout hasard, que j’en voulais cent francs, pensant qu’on ne m’en offrirait pas cent sous.