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sur la terre, et l’autre n’en est distant que d’un fer de bêche ! »

Mais ce fer de bêche, ce quelque chose entre la terre et mon second pied, voilà justement ce dont j’avais besoin et ce que je ne trouvais pas. J’aurais voulu une raison, un motif aussi simple que l’action de planter choux, mais aussi logique, pour m’expliquer à moi-même le but de mon activité. Je voyais bien qu’en me donnant beaucoup de soins pour économiser sur toutes choses, comme cela m’était recommandé, je n’arrivais qu’à me pénétrer de l’impossibilité d’être économe sans égoïsme en certains cas ; plus j’approchais de la terre, en creusant le petit problème de lui faire rapporter le plus possible, et plus je voyais que la terre rapporte peu et que ceux qui ont peu ou point de terre à bêcher ne peuvent pas exister avec leurs deux bras. Le salaire était trop faible, le travail trop peu assuré, l’épuisement et la maladie trop inévitables. Mon mari n’était pas inhumain et ne m’arrêtait pas dans le détail de la dépense ; mais quand, au bout du mois, il voyait mes comptes, il perdait la tête et me la faisait perdre aussi en me disant que mon revenu était de moitié trop faible pour ma libéralité, et qu’il n’y avait aucune possibilité de vivre à Nohant et avec Nohant sur ce pied-là. C’était la vérité ; mais je ne pouvais prendre sur moi de réduire au strict nécessaire l’aisance de ceux que je gouvernais, et de refuser le nécessaire à ceux