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peu d’années après, j’eus écrit Lélia et Spiridion, deux ouvrages qui résument pour moi beaucoup d’agitations morales, mes plus intimes amis se demandaient avec stupeur en quels jours, à quelles heures de ma vie, j’avais passé par ces âpres chemins entre les cimes de la foi et les abîmes de l’épouvante.

Voici quelques mots que m’écrivait le Malgache après Lélia :

« Que diable est-ce là ? Où avez-vous pris tout cela ? Pourquoi avez-vous fait ce livre ? D’où sort-il, où va-t-il ? Je vous savais bien rêveuse, je vous croyais croyante, au fond. Mais je ne me serais jamais douté que vous pussiez attacher tant d’importance à pénétrer les secrets de ce grand peut-être et à retourner dans tous les sens cet immense point d’interrogation dont vous feriez mieux de ne pas vous soucier plus que moi.

« On se moque de moi, ici, parce que j’aime ce livre. J’ai peut-être tort de l’aimer, mais il s’est emparé de moi et m’empêche de dormir. Que le bon Dieu vous bénisse de me secouer et de m’agiter comme ça ! mais qui donc est l’auteur de Lélia ? Est-ce vous ? Non. Ce type, c’est une fantaisie. Ça ne vous ressemble pas, à vous qui êtes gaie, qui dansez la bourrée, qui appréciez le lépidoptère, qui ne méprisez pas le calembour, qui ne cousez pas mal, et qui faites très bien les confitures ! Peut-être bien, après tout, que nous ne vous connaissions pas, et que vous nous cachiez