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l’espèce humaine, et j’appartenais apparemment à ce type-là. Il ne dépendait pas de moi de me conduire par la lumière de la raison pure, par les calculs de l’intérêt personnel, par la force de mon jugement ou par la soumission à celui des autres. Il me fallait trouver, non pas en dehors, mais au-dessus des conceptions passagères de l’humanité, au-dessus de moi-même, un idéal de force, de vérité, un type de perfection immuable à embrasser, à contempler, à consulter et à implorer sans cesse. Longtemps je fus gênée par les habitudes de prière que j’avais contractées, non quant à la lettre, on a vu que je n’avais jamais pu m’y astreindre, mais quant à l’esprit. Quand l’idée de Dieu se fut agrandie en même temps que mon âme s’était complétée, quand je crus comprendre ce que j’avais à dire à Dieu, de quoi le remercier, quoi lui demander, je retrouvai mes effusions, mes larmes, mon enthousiasme et ma confiance d’autrefois.

Alors j’enfermai en moi la croyance comme un mystère et, ne voulant pas la discuter, je la laissai discuter et railler aux autres sans écouter, sans entendre, sans être entamée ni troublée un seul instant. Je dirai comment cette foi sereine fut encore ébranlée plus tard ; mais elle ne le fut que par ma propre fièvre, sans que l’action des autres y fût pour rien.

Je n’eus jamais le pédantisme de ma préoccupation ; personne ne s’en douta jamais, et quand,