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et les plus habiles raisonnements, ceux qui s’appuient mathématiquement sur les chances politiques, économiques et commerciales, se trouvent toujours déjoués par l’imprévu, parce que l’imprévu c’est le génie bienfaisant ou destructeur de l’humanité qui tantôt sacrifie ses intérêts matériels à sa grandeur morale, et tantôt sa grandeur morale à ses intérêts matériels.

Il est bien vrai que le soin jaloux et inquiet des intérêts matériels domine la situation présente. Après les grandes crises, ces préoccupations sont naturelles, et ce sauve qui peut de l’individualité menacée est, sinon glorieux, du moins légitime. Ne nous en irritons pas trop, car toute chose qui n’a pas pour but un sentiment de providence collective rentre malgré soi dans les desseins de cette providence. Il est évident que l’ouvrier qui dit :

« Du travail avant tout et malgré tout, »

subit les nécessités du moment et ne regarde que le moment où il vit ; mais par l’âpreté du travail il marche à la notion de la dignité et à la conquête de l’indépendance. Il en est ainsi de tous les ouvriers placés sur tous les échelons de la société. L’industrialisme tend à se dégager de toute espèce de servage et à se constituer en puissance active, sauf à se moraliser plus tard et à se constituer en puissance légitime par l’association fraternelle.

C’est à ce moment que nos prévisions l’attendent et que nous nous demandons si, après