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sur mon compte, puisqu’il ne me faisait jamais redescendre dans son estime. C’est ce qui fit durer longtemps notre bonne harmonie.

Étranger à mes études, à mes recherches et, par suite, à mes convictions, enfermé qu’il était dans le dogme catholique, il disait de moi, comme la mère Alicia dans les derniers jours de sa vie[1] : « Bah ! bah ! je suis bien sûre qu’elle aime Dieu ! »

Nous ne nous sommes donc jamais adressé un reproche mutuel, sinon une seule fois qui fut, hélas ! la première et la dernière. Une affection si élevée devait se briser, et non s’user dans des combats indignes d’elle.

Mais si Chopin était avec moi le dévouement, la prévenance, la grâce, l’obligeance et la déférence en personne, il n’avait pas, pour cela, abjuré les aspérités de son caractère envers ceux qui m’entouraient. Avec eux, l’inégalité de son âme, tour à tour généreuse et fantasque, se donnait carrière, passant toujours de l’engouement à l’aversion, et réciproquement. Rien ne paraissait, rien n’a jamais paru de sa vie intérieure dont ses chefs-d’œuvre d’art étaient l’expression mystérieuse et vague, mais dont ses lèvres ne trahissaient jamais la souffrance. Du moins telle fut sa réserve pendant sept ans, que

  1. Cette âme bien-aimée est retournée à Dieu le 20 janvier 1855.