Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/609

Cette page n’a pas encore été corrigée

au fond de ma pensée et dans l’habitude de ma vie.

Je la retrouvai surtout par la prière. Je n’appelle pas prière un choix et un arrangement de parole lancées vers le ciel, mais un entretien de la pensée avec l’idéal de lumière et de perfections infinies.

De toutes les amertumes que j’avais non plus à subir, mais à combattre, les souffrances de mon malade ordinaire n’étaient pas la moindre.

Chopin voulait toujours Nohant, et ne supportait jamais Nohant. Il était l’homme du monde par excellence, non pas du monde trop officiel et trop nombreux, mais du monde intime, des salons de vingt personnes, de l’heure où la foule s’en va et où les habitués se pressent autour de l’artiste pour lui arracher par d’aimables importunités le plus pur de son inspiration. C’est alors seulement qu’il donnait tout son génie et tout son talent. C’est alors aussi qu’après avoir plongé son auditoire dans un recueillement profond ou dans une tristesse douloureuse, car sa musique vous mettait parfois dans l’âme des découragements atroces, surtout quand il improvisait ; tout à coup, comme pour enlever l’impression et le souvenir de sa douleur aux autres et à lui-même, il se tournait vers une glace, à la dérobée, arrangeait ses cheveux et sa cravate, et se montrait subitement transformé en Anglais flegmatique, en vieillard impertinent,