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Une autre solution s’ouvrit devant moi. Tout subir sans haine et sans ressentiment, mais tout combattre par la foi ; aucune ambition, aucun rêve de bonheur personnel pour moi-même en ce monde, mais beaucoup d’espoir et d’efforts pour le bonheur des autres.

Ceci me parut une conclusion souveraine de la logique applicable à ma nature. Je pouvais vivre sans bonheur personnel, n’ayant pas de passions personnelles.

Mais j’avais de la tendresse et le besoin impérieux d’exercer cet instinct-là. Il me fallait chérir ou mourir. Chérir en étant peu ou mal chéri soi-même, c’est être malheureux ; mais on peut vivre malheureux. Ce qui empêche de vivre, c’est de ne pas faire usage de sa propre vie, ou d’en faire un usage contraire aux conditions de sa propre vie.

En face de cette résolution, je me demandai si j’aurais la force de la suivre ; je n’avais pas une assez haute idée de moi-même pour m’élever au rêve de la vertu. D’ailleurs, voyez-vous, dans le temps de scepticisme où nous vivons, une grande lumière s’est dégagée : c’est que la vertu n’est qu’une lumière elle-même, une lumière qui se fait dans l’âme. Moi, j’y ajoute, dans ma croyance, l’aide de Dieu. Mais qu’on accepte ou qu’on rejette le secours divin, la raison nous démontre que la vertu est un résultat brillant de l’apparition de la vérité dans la conscience, une