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talent, professeur admirable, caractère noble et digne, artiste enjoué, enthousiaste, sérieux. Enfin, j’ai nommé Alkan, pianiste célèbre, plein d’idées fraîches et originales, musicien savant, homme de cœur. Quant à Edgar Quinet, tous le connaissent en le lisant : un grand cœur, dans une vaste intelligence ; ses amis connaissent en plus sa modestie candide et la douceur de son commerce. Enfin, j’ai nommé le général Pepe, âme héroïque et pure, un de ces caractères qui rappellent les hommes de Plutarque. Je n’ai nommé ni Mazzini, ni les autres amis que j’ai gardés dans le monde politique et dans la vie intime, ne les ayant connus réellement que plus tard.

Déjà, dans ce temps-là, je touchais, par mes relations variées, aux extrêmes de la société, à l’opulence, à la misère, aux croyances les plus absolutistes, aux principes les plus révolutionnaires. J’aimais à connaître et à comprendre les divers ressorts qui font mouvoir l’humanité et qui décident de ses vicissitudes. Je regardais avec attention, je me trompais souvent, je voyais clair quelquefois.

Après les désespérances de ma jeunesse, trop d’illusions me gouvernèrent. Au scepticisme maladif succéda trop de bienveillance et d’ingénuité. Je fus mille fois dupe d’un rêve de fusion archangélique dans les forces opposées du grand combat des idées. Je suis bien encore quelquefois capable de cette simplicité, résultat d’une