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de peinture de Delacroix, un garçon plein d’esprit, de cœur et de dispositions, qui devint mon enfant presque autant que les miens propres, et qui, appelé à Nohant pour un mois, y a passé jusqu’à présent une douzaine d’étés, sans compter plusieurs hivers.

Plus tard, je pris Augustine tout-à-fait avec nous, la vie de famille et d’intérieur me devenant chaque jour plus chère et plus nécessaire[1].

S’il me fallait parler ici avec détail des illustres et chers amis qui m’entourèrent pendant ces huit années, je recommencerais un volume. Mais ne suffit-il pas de nommer, outre ceux dont j’ai parlé déjà, Louis Blanc, Godefroy Cavaignac, Henri Martin, et le plus beau génie de femme

  1. Cette enfant, belle et douce, fut toujours un ange de consolation pour moi. Mais, en dépit de ses vertus et de sa tendresse, elle fut pour moi la cause de bien grands chagrins. Ses tuteurs me la disputaient, et j’avais de fortes raisons pour accepter le devoir de la protéger exclusivement. Devenue majeure, elle ne voulait pas s’éloigner de moi. Ce fut la cause d’une lutte ignoble et d’un chantage infâme de la part de gens que je ne nommerai pas. On me menaça de libelles atroces si je ne donnais pas quarante mille francs. Je laissai paraître les libelles, immonde ramassis de mensonges ridicules que la police se chargea d’interdire. Ce ne fut pas là le point douloureux du martyre que je subissais pour cette noble et pure enfant : la calomnie s’acharna après elle par contre-coup, et, pour la protéger envers et contre tous, je dus plus d’une fois briser mon propre cœur et mes plus chères affections.