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tâche que j’allais accepter et que j’avais crue devoir se borner au voyage en Espagne. Si Maurice venait à retomber dans l’état de langueur qui m’avait absorbée, adieu à la fatigue des leçons, il est vrai, mais adieu aussi aux joies de mon travail ; et quelles heures de ma vie sereines et vivifiantes pourrais-je consacrer à un second malade, beaucoup plus difficile à soigner et à consoler que Maurice ?

Une sorte d’effroi s’empara donc de mon cœur en présence d’un devoir nouveau à contracter. Je n’étais pas illusionnée par une passion. J’avais pour l’artiste une sorte d’adoration maternelle très-vive, très-vraie, mais qui ne pouvait pas un instant lutter contre l’amour des entrailles, le seul sentiment chaste qui puisse être passionné.

J’étais encore assez jeune pour avoir peut-être à lutter contre l’amour, contre la passion proprement dite. Cette éventualité de mon âge, de ma situation et de la destinée des femmes artistes, surtout quand elles ont horreur des distractions passagères, m’effrayait beaucoup, et, résolue à ne jamais subir d’influence qui pût me distraire de mes enfants, je voyais un danger moindre, mais encore possible, même dans la tendre amitié que m’inspirait Chopin.

Eh bien, après réflexion, ce danger disparut à mes yeux et prit même un caractère opposé, celui d’un préservatif contre des émotions que