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ose tout et à qui l’on passe tout, parce que les entrailles ont besoin de le dédommager de l’abandon de la société. Par le fait, n’étant rien officiellement, et ne pouvant prétendre à rien légalement dans mon intérieur, Hippolyte y avait toujours fait dominer son caractère turbulent, son bon cœur et sa mauvaise tête. Il m’en avait chassée, par la seule raison que je ne voulais pas l’en chasser ; il avait aigri et prolongé la lutte qui m’y ramenait, et il y rentrait lui-même, pardonné et embrassé pour quelques larmes qu’il versait au seuil de la maison paternelle. Ce n’était que la reprise d’une nouvelle série de repentirs de sa part et d’absolutions de la mienne.

Son entrain, sa gaîté intarissable, l’originalité de ses saillies, ses effusions enthousiastes et naïves pour le génie de Chopin, sa déférence constamment respectueuse envers lui seul, même dans l’inévitable et terrible après-boire, trouvèrent grâce auprès de l’artiste éminemment aristocratique. Tout alla donc fort bien au commencement, et j’admis éventuellement l’idée que Chopin pourrait se reposer et refaire sa santé parmi nous pendant quelques étés, son travail devant nécessairement le rappeler l’hiver à Paris.

Cependant la perspective de cette sorte d’alliance de famille avec un ami nouveau dans ma vie me donna à réfléchir. Je fus effrayée de la