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reconnaissant qu’ils n’ont pas agi au hasard, et la foi qui survit au désastre est proportionnée aux chances de succès qu’ils ont su mettre dans leur plan. C’est ainsi qu’on pardonne à un habile général vaincu dans une bataille d’avoir perdu des colonnes entières dans la vue d’une victoire probable, tandis qu’on blâme le héros isolé qui s’en va faire écharper une petite escorte sans aucune chance d’utilité.

À Dieu ne plaise que j’accuse Barbès, Martin Bernard et les autres généreux martyrs de cette série d’avoir aveuglement sacrifié à leur audace naturelle, à leur mépris de la vie, à un égoïste besoin de gloire ! Non ! c’étaient des esprits réfléchis, studieux, modestes ; mais ils étaient jeunes, ils étaient exaltés par la religion du devoir, ils espéraient que leur mort serait féconde. Ils croyaient trop à l’excellence soutenue de la nature humaine ; ils la jugeaient d’après eux-mêmes. Ah ! mes amis, que votre vie est belle, puisque, pour y trouver une faute, il faut faire, au nom de la froide raison, le procès aux plus nobles sentiments dont l’âme de l’homme soit capable !

Mais la véritable grandeur de Barbès se manifesta dans son attitude devant ses juges, et se compléta dans le long martyre de la prison. C’est là que son âme s’éleva jusqu’à la sainteté. C’est du silence de cette âme profondément humble et pieusement résignée qu’est sorti le plus éloquent et le plus pur enseignement à la