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jours et dont j’aimais tendrement le génie et le caractère, me dit à plusieurs reprises que, s’il était à la place de Maurice, il serait bientôt guéri lui-même. Je le crus, et je me trompai. Je ne le mis pas dans le voyage à la place de Maurice, mais à côté de Maurice. Ses amis le pressaient depuis longtemps d’aller passer quelque temps dans le midi de l’Europe. On le croyait phthisique. Gaubert l’examina et me jura qu’il ne l’était pas.

« Vous le sauverez, en effet, me dit-il, si vous lui donnez de l’air, de la promenade et du repos ». Les autres, sachant bien que jamais Chopin ne se déciderait à quitter le monde et la vie de Paris sans qu’une personne aimée de lui et dévouée à lui ne l’y entraînât, me pressèrent vivement de ne pas repousser le désir qu’il manifestait si à propos et d’une façon tout inespérée.

J’eus tort, par le fait, de céder à leur espérance et à ma propre sollicitude. C’était bien assez de m’en aller seule à l’étranger avec deux enfants, l’un déjà malade, l’autre exubérant de santé et de turbulence, sans prendre encore un tourment de cœur et une responsabilité de médecin.

Mais Chopin était dans un moment de santé qui rassurait tout le monde. Excepté Grzymala, qui ne s’y trompait pas trop, nous avions tous confiance. Je priai cependant Chopin de bien consulter ses forces morales, car il n’avait jamais envisagé sans effroi, depuis plusieurs années,