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écrire. J’étais fixée à Nohant. Il y apparut toujours de loin en loin jusque vers la révolution de février. Dans les dernières entrevues, nous n’étions plus d’accord sur le fond des choses. J’avais un peu étudié et médité mon idéal ; il semblait avoir écarté le sien pour revenir à un siècle en arrière de la révolution. Il ne fallait pas lui rappeler le pont des Saints-Pères. Il eût affirmé par serment et de bonne foi que j’avais rêvé, ainsi que Planet. Il s’irritait quand je voulais lui prouver que j’avais gardé et amélioré mes sentimens, et qu’il avait laissé reculer et obscurcir les siens. Il raillait mon socialisme avec un peu d’amertume, et cependant il redevenait aisément tendre et paternel. Alors je lui prédisais qu’un jour il redeviendrait socialiste, et qu’outre-passant le but, il me reprocherait ma modération. Cela fût arrivé certainement s’il eût vécu.

L’absence ni la mort ne détruisent les grandes amitiés ; la mienne lui resta et lui reste en dépit de tout. Je ne fus jamais brouillée avec lui, et il le fut pourtant avec moi dans les dernières années de sa vie. Je dirai pourquoi.

Il voulait être commissaire à Bourges sous le gouvernement provisoire. Il ne le fut pas et s’en prit à moi. Il me supposait auprès du ministre de l’intérieur, une influence que j’étais loin d’avoir. M. Ledru-Rollin n’avait pas coutume de me consulter sur ses décisions politiques. Quelques personnes l’ont dit : ce fut une mauvaise plaisanterie.