et poltron, on n’eût pas traité son adversaire de spadassin et d’assassin, il ne nous eût pas fallu vingt ans pour nous emparer de notre bien légitime, c’est-à-dire du secours de cette grande puissance et de cette grande lumière qu’Émile de Girardin portait en lui, et devait porter tout seul sur le chemin qui conduit à notre but commun.
Que de méfiances et de préventions contre lui ! Je les ai subies, moi aussi ; non pas pour ce fait du duel, d’où, dangereusement blessé lui-même, il remporta la blessure plus profonde encore d’une irréparable douleur : quand des voix ardentes s’élevaient autour de moi pour s’écrier :
« Quoi qu’il y ait, on ne tue pas Carrel ! on ne doit pas tuer Carrel ! »
je me rappelais que M. de Girardin, ayant essuyé le feu de M. Degouve-Dennuques, avait refusé de le viser, et que cet acte, digne de Carrel parce qu’il était chevaleresque, avait été considéré comme une injure parce qu’il venait d’un ennemi politique. Quant à la cause du duel, il est impossible que les témoins eussent pu la trouver suffisante, si Carrel ne les y eût contraints par son obstination. Sans aucun doute, Carrel était aigri et voulait arracher une humiliation plutôt qu’une réparation. Encore était-ce la réparation d’un tort peut-être imaginaire. — Quant aux suites du duel, elles furent navrantes et honorables pour M. de Girardin. Il fut insulté par les amis de Carrel,