Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/561

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui s’est déclaré votre ennemi. S’il s’acharne, quelle que soit votre patience, vous arrivez peu à peu à le croire aveugle et injuste en toutes choses, du moment qu’il est injuste et aveugle envers vous. Ses idées mêmes vous deviennent antipathiques en même temps que son langage. Vous différiez sur quelques points au début, et voilà que les croyances même qui vous étaient communes vous apparaissent douteuses, du moment qu’il leur a donné des formules qui semblent être la critique ou la négation des vôtres. Vous partez d’un jeu de mots et vous finissez par du sang. Les duels n’ont souvent pas d’autre cause, et il y a des duels de parti à parti qui ensanglantent la place publique.

Quel est le plus grand coupable dans ces funestes embrasements de l’histoire ? Le premier qui dit à son frère Raca. Si Abel eût dit le premier cette parole à Caïn, c’est lui que Dieu eût puni comme le premier meurtrier de la race humaine.

Ces réflexions qui m’entraînent ne sont pas hors de propos quand je me rappelle la mort de Carrel, la douleur d’Éverard et la haine de notre parti contre M. de Girardin. Si nous eussions été justes, si nous eussions reconnu que M. de Girardin ne pouvait pas refuser de se battre sérieusement avec Carrel, comme il était pourtant bien facile de s’en convaincre en examinant les faits ; si, après avoir traité Carrel d’esprit lâche