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portent pas sur celui dont, à une certaine heure l’esprit défaille, hésite ou s’égare, c’est notre droit. Mais, en l’éloignant pour un instant de notre route, rendons-lui encore hommage en songeant que demain peut-être nos destins auront besoin de l’homme qui s’est reposé dans le scrupule ou dans la prudence[1].

Quand nos mœurs politiques auront fait ce progrès, quand les luttes de la popularité n’auront plus pour armes l’injure, l’ingratitude et la calomnie, nous ne verrons plus de défections importantes, soyez-en certains. Les défections sont presque toujours des réactions de l’orgueil blessé, des actes de dépit. Ah ! je l’ai vu cent fois ! Tel homme qui, respecté et ménagé dans son caractère, eût marché dans le droit chemin, s’est violemment séparé de ses coreligionnaires à cause d’une parole blessante, et les plus grands caractères ne sont pas à l’abri de la cuisante blessure d’une attaque contre l’honneur, ou seulement d’une critique brutale contre leur sagesse. Je ne peux pas citer les exemples trop rapprochés de nous, mais vous en avez certainement vu vous-même, quel que soit votre milieu. De funestes déterminations ont dû être prises devant vous, qui tenaient à un fil bien délié !

Et cela n’est-il pas dans la nature humaine ? On devient insensiblement l’ennemi de l’homme

  1. C’est ainsi qu’il faut juger M. Lamartine.