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et de menaces impies, que tant d’autres, également purs, aient été accusés d’ambition cupide ou de lâcheté de caractère, c’est, dit-on, l’inévitable écume qui court sur le flot débordé des passions. On ajoute qu’il faut en prendre son parti et que toute révolution est à ce prix amer.

Eh bien, non, n’en prenons plus notre parti. Excusons ces égarements inévitables dans le passé, ne les acceptons plus pour l’avenir. Disons-nous une bonne fois qu’aucun parti, même le nôtre, ne gouvernera longtemps par la haine, la violence et l’insulte. N’admettons plus que les républiques doivent être ombrageuses et les dictatures vindicatives. Ne rêvons plus le progrès à la condition d’y marcher en nous soupçonnant, en nous flagellant les uns les autres. Laissons au passé ses ténèbres, ses emportements, ses grossièretés. Admettons que les hommes qui ont fait de grandes choses, ou qui ont eu seulement de grandes idées ou de grands sentiments, ne doivent pas être accusés à la légère et qu’ils doivent toujours l’être avec mesure. Soyons assez intelligents pour apprécier ces hommes au point de vue de l’ensemble de l’histoire ; voyons leur puissance et ses limites naturelles, fatales. Vouloir qu’à toutes les heures de sa vie un homme supérieur réponde à l’idéal qu’il nous a fait entrevoir, c’est faire le procès à Dieu même, qui a créé l’homme incertain et limité. Que nos suffrages, dans un état libre, ne se