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eu, avec la faculté de veiller beaucoup, l’amour de mon art qui me ranimait à toute heure. Je commençai à l’aimer le jour où il devint pour moi, non plus une nécessité personnelle, mais un devoir austère. Il m’a, non pas consolée, mais distraite de bien des peines, et arrachée à bien des préoccupations.

Mais que de préoccupations diverses, pour une tête sans grande variété de ressources, que ces extrêmes de la vie dont il fallut m’occuper simultanément dans ma petite sphère ! Le respect de l’art, les obligations d’honneur, le soin moral et physique des enfants qui passe toujours avant le reste, le détail de la maison, les devoirs de l’amitié, de l’assistance et de l’obligeance ! Combien les journées sont courtes pour que le désordre ne s’empare pas de la famille, de la maison, des affaires ou de la cervelle ! J’y ai fait de mon mieux, et je n’y ai fait que ce qui est possible à la volonté et à la foi. Je n’étais pas secondée par une de ces merveilleuses organisations qui embrassent tout sans effort et qui vont sans fatigue du lit d’un enfant malade à une consultation judiciaire, et d’un chapitre de roman à un registre de comptabilité. J’avais donc dix fois, cent fois plus de peine qu’il n’y paraissait. Pendant plusieurs années je ne m’accordai que quatre heures de sommeil ; pendant beaucoup d’autres années je luttai contre d’atroces migraines jusqu’à tomber en défaillance sur mon travail,