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être bien coiffée. »

Elle s’était regardée au miroir, elle avait souri. Sa main avait laissé retomber le miroir, et son âme s’était envolée. Gaubert m’avait écrit sur-le-champ, mais je m’étais croisée avec sa lettre. J’arrivais pour la trouver guérie en effet, guérie de l’effroyable fatigue et de la tâche cruelle de vivre en ce monde.

Pierret ne pleura pas. Comme Deschartres auprès du lit de mort de ma grand’mère, il semblait ne pas comprendre qu’on pût se séparer pour jamais. Il l’accompagna le lendemain au cimetière et revint en riant aux éclats. Puis il cessa brusquement de rire et fondit en larmes.

Pauvre excellent Pierret ! Il ne se consola jamais. Il retourna au Cheval blanc, à sa bière et à sa pipe. Il fut toujours gai, brusque, étourdi, bruyant. Il vint me voir à Nohant l’année suivante. C’était toujours le même Pierret à la surface. Mais, tout d’un coup, il me disait :

« Parlons donc un peu de votre mère ! Vous souvenez-vous ?…… »

et alors il se remémorait tous les détails de sa vie, toutes les singularités de son caractère, toutes les vivacités dont il avait été la victime volontaire, et il citait ses mots, il rappelait ses inflexions de voix, il riait de tout son cœur ; et puis il prenait son chapeau et s’en allait sur une plaisanterie. Je le suivais de près, voyant bien l’excitation nerveuse qui l’emportait, et je le trouvais sanglotant dans un coin du jardin.

Aussitôt après la mort de ma mère, je retournai