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par le destin qui me poursuivait. Mon frère, qui agissait de la manière la plus étrange et la plus contradictoire du monde, m’écrivit :

« Je t’avertis, à l’insu de ton mari, qu’il va partir pour Nohant afin de t’enlever Maurice. Ne me trahis pas, cela me brouillerait avec lui. Mais je crois devoir te mettre en garde contre ses projets. C’est à toi de savoir si ton fils est réellement trop faible pour rentrer au collége. »

Certes, Maurice était hors d’état de rentrer au collége, et je craignais, sur ses nerfs ébranlés, l’effet d’une surprise douloureuse et d’une explication vive avec son père.

Je ne pouvais quitter ma mère. Un de mes amis prit la poste, courut à Ars, et conduisit Maurice à Fontainebleau, où j’allai, sous un nom supposé, l’installer dans une auberge. L’ami qui s’était chargé de me l’amener voulut bien rester près de lui pendant que je revenais auprès de ma malade.

J’arrivai à la maison de santé à sept heures du matin. J’avais voyagé la nuit pour gagner du temps. Je vis la fenêtre ouverte. Je me rappelai celle du boulevard, et je sentis que tout était fini. J’avais embrassé ma mère l’avant-veille pour la dernière fois, et elle m’avait dit :

« Je me sens très bien, et j’ai à présent les idées les plus agréables de toute ma vie. Je me mets à aimer la campagne, que je ne pouvais pas souffrir. Cela m’est venu dans ces derniers temps, en coloriant