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Ma sœur, qui était auprès d’elle, m’expliqua tout bas que le choix de cet affreux domicile était une fantaisie de malade, et non une nécessité. Notre pauvre mère s’imaginant, dans ses heures de fièvre, qu’elle était environnée de voleurs, cachait un sac d’argent sous son oreiller et ne voulait pas habiter une meilleure chambre dans la crainte de révéler ses ressources à ces brigands imaginaires.

Il fallut entrer dans sa fantaisie un instant ; mais, peu à peu, j’en triomphai. La maison de santé était belle et vaste. Je louai le meilleur appartement sur le jardin, et dès le lendemain elle consentit à y être transportée. Je lui amenai mon cher Gaubert, dont la douce et sympathique figure lui plut, et qui réussit à lui persuader de suivre ses prescriptions. Mais il m’emmena ensuite au jardin pour me dire : « Ne vous flattez pas, elle ne peut pas guérir ; le foie est affreusement tuméfié. La crise des douleurs atroces est passée. Elle va mourir sans souffrance. Vous ne pouvez que retarder un peu le moment fatal par des soins moraux. Quant aux soins physiques, faites absolument tout ce qu’elle voudra. Elle n’a pas la force de vouloir rien qui lui soit précisément nuisible. Mon rôle, à moi, est de lui prescrire des choses insignifiantes et d’avoir l’air de compter sur leur efficacité. Elle est impressionnable comme un enfant. Occupez son esprit de l’espoir d’une prochaine guérison. Qu’elle parte