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Elle demeurait depuis plusieurs années boulevard Poissonnière, n° 6, dans une maison qui a disparu pour faire place à la maison du pont de fer. Elle y vivait presque toujours seule, ne pouvant garder huit jours une servante. Son petit appartement était toujours rangé par elle, nettoyé avec un soin minutieux, orné de fleurs, et brillant de jour ou de soleil. Elle logeait en plein midi et tenait sa fenêtre ouverte en été, à la chaleur, à la poussière et au bruit du boulevard, n’ayant jamais Paris assez dans sa chambre.

« Je suis Parisienne dans l’âme, disait-elle. Tout ce qui rebute les autres de Paris me plaît et m’est nécessaire. Je n’y ai jamais trop chaud, ni trop froid. J’aime mieux les arbres poudreux du boulevard et les ruisseaux noirs qui les arrosent que toutes vos forêts où l’on a peur, et toutes vos rivières où l’on risque de se noyer. Les jardins ne m’amusent plus, ils me rappellent trop les cimetières. Le silence de la campagne m’effraie et m’ennuie. Paris me fait l’effet d’être toujours en fête, et ce mouvement que je prends pour de la gaîté m’arrache à moi-même. Vous savez bien que le jour où il me faudra réfléchir, je mourrai. »

Pauvre mère, elle réfléchissait beaucoup dans ses derniers jours !

Bien que plusieurs de mes amis, témoins de ses emportemens ou de ses malices contre moi, me reprochassent d’être trop faible de cœur