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sais ; mais nous sommes tous ainsi faits. La vie est si courte que nous avons besoin, pour la prendre au sérieux, d’en tripler la notion en nous-mêmes, c’est-à-dire de rattacher notre existence par la pensée à l’existence des parens qui nous ont précédés et à celle des enfans qui nous survivront.

Au reste, je n’entrais pas à Nohant avec l’illusion d’une oasis finale. Je sentais bien que j’y apportais mon cœur agité et mon intelligence en travail.

Liszt était en Suisse et m’engageait à venir passer quelque temps auprès d’une personne avec laquelle il m’avait fait faire connaissance et qu’il voyait souvent à Genève, où elle s’était établie pour quelque temps. C’était la comtesse d’Agoult, belle, gracieuse, spirituelle, et douée par-dessus tous ces avantages d’une intelligence supérieure. Elle m’appelait aussi d’une façon fort aimable, et je regardai ce voyage comme une diversion utile à mon esprit après les dégoûts de la vie positive où je venais de me plonger. C’était une très bonne promenade pour mes enfans et un moyen de les soustraire à l’étonnement de leur nouvelle position, en les éloignant des propos et commentaires qui, dans ce premier moment de révolution intérieure, pouvaient frapper leurs oreilles. Sitôt que les vacances me ramenèrent Maurice, je partis donc pour Genève avec lui, sa sœur et Ursule.