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et jusqu’à ma porte, comme pour solliciter une entrevue mystérieuse ; mais ma conscience se révolta contre une pareille comédie, et, après s’être promené de long en large quelques instans dans la rue, je le vis qui s’en allait en riant et en haussant les épaules. Il avait bien raison.

J’avais reçu l’hospitalité dans la famille Tourangin, une des plus honorables de la ville. Félix Tourangin, riche industriel et proche parent de la famille Duteil, avait deux filles, l’une mariée, l’autre déjà majeure, et quatre fils, dont les derniers étaient des enfans. Agasta et son mari m’avaient accompagnée. Rollinat, Planet et Papet nous avaient suivis. Les autres nous rejoignirent bientôt ; j’avais donc tout mon cher Berry autour de moi, car dès ce moment je m’attachai à la famille Tourangin, comme si j’y avais passé ma vie. Le père Félix m’appelait sa fille, Élisa, un ange de bonté et une femme du plus grand mérite et de la plus adorable vertu, m’appelait sa sœur. Je me faisais avec elle la mère des petits frères. Leurs autres parens nous venaient voir souvent, et me témoignaient le plus affectueux intérêt, même M. Mater, le premier président, quand mon procès fut terminé. Je vis arriver aussi, le jour des débats, Émile Regnault, un Sancerrois que j’avais aimé comme un frère et qui avait épousé contre moi je ne sais plus quelle mauvaise querelle. Il vint me faire amende honorable de torts que j’avais oubliés.