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il reste fort supérieur en qualité à celui de l’Espagne, il se vend fort cher. J’étais étonnée quand mon beau-père, me montrant un petit tas d’écorces d’arbres empilées sous un petit hangar, me disait :

« Voici la récolte de l’année, quatre cents francs de dépense et vingt-cinq mille francs de profit net. »

Le chêne-liége est un gros vilain arbre en été. Son feuillage est rude et terne ; son ombre épaisse étouffe toute végétation autour de lui, et le soin qu’on prend de lui enlever son écorce, qui est le liége même, jusqu’à la naissance des maîtresses branches, le laisse dépouillé et difforme. Les plus frais de ces écorchés sont d’un rouge sanglant, tandis que d’autres, brunis déjà par un commencement de nouvelle peau, sont d’un noir brûlé ou enfumé, comme si un incendie avait passé et pris ces géans jusqu’à la ceinture. Mais, l’hiver, cette verdure éternelle a son prix. La seule chose dont j’eusse vraiment peur dans ces bois, c’était des troupeaux innombrables de cochons tachetés de noir, qui erraient en criant, d’un ton aigre et sauvage, à la dispute de la glandée.

Le surier ou chêne-liége n’exige aucun soin. On ne le taille ni ne le dirige. Il se fait sa place, et vit enchanté d’un sable aride en apparence. À vingt ou trente ans, il commence à être bon à écorcher. À mesure qu’il prend de l’âge, sa peau devient meilleure et se renouvelle plus vite, car