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rive, s’élevait la Rochaille, une colline semée de blocs diluviens et ombragée de noyers séculaires. La maisonnette blanche et les ajoupas de roseaux du Malgache s’apercevaient un peu plus loin, et à côté de nous la grande tour carrée de l’ancien château des Lombault dominait le paysage.

J’allais de temps en temps à Bourges, ou bien Éverard venait de temps en temps à La Châtre. C’était toujours en vue de nous consulter sur le procès, mais le procès était la chose dont nous pouvions le moins parler. J’avais la tête pleine d’art, Éverard avait la tête pleine de politique, Planet l’avait toujours de socialisme. Duteil et le Malgache faisaient de tout cela un pot-pourri d’imagination, d’esprit, de divagation et de gaîté. Fleury discutait avec ce mélange de bon sens et d’enthousiasme qui se disputent sa cervelle à la fois positive et romanesque. Nous nous chérissions trop les uns les autres pour ne pas nous quereller avec violence. Quelles bonnes violences ! entrecoupées de tendres élans de cœur et de rires homériques ! Nous ne pouvions nous séparer, on oubliait de dormir, et ces prétendus jours de repos nous laissaient harassés de fatigue, mais débarrassés du trop plein d’imagination et de ferveur républicaine qui s’entassait en nous dans les heures de la solitude.

Enfin mon insupportable procès fut appelé à Bourges. Je m’y rendis, au commencement de juillet, après avoir été chercher Solange à Paris.