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mais ma fierté souffrait, je l’avoue, de la possibilité d’un soupçon dans l’esprit des juges.

« Ce soupçon, disais-je, prendra peut-être assez de consistance dans leur pensée pour qu’en prononçant la séparation ils me retirent le soin d’élever mon fils. »

Pourtant, quand j’eus réfléchi, je reconnus l’absence de danger de ma situation, de quelque façon qu’elle vînt à aboutir. Le soupçon ne pouvait même pas effleurer l’esprit de mes juges : Les accusations portaient trop le cachet de la démence.

Je m’endormis alors profondément. J’étais fatiguée de mes propres pensées qui, pour la première fois avaient embrassé la question du mariage d’une manière générale assez lucide. Jamais, je le jure, je n’avais senti aussi vivement la sainteté du pacte conjugal et les causes de sa fragilité dans nos mœurs que dans cette crise où je me voyais en cause moi-même. J’éprouvais enfin un calme souverain, j’étais sûre de la droiture de ma conscience et de la pureté de mon idéal. Je remerciai Dieu de ce qu’au milieu de mes souffrances personnelles il m’avait permis de conserver sans altération la notion et l’amour de la vérité.

À une heure de l’après-midi, Félicie entra dans ma chambre.

« Comment ! vous pouvez dormir ! me dit-elle. Sachez donc que l’on sort de l’audience, vous avez gagné votre procès, vous