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épreuves de temps fussent imposées, qu’une sage lenteur se tînt en garde contre les caprices coupables ou les dépits passagers ; certes, on ne saurait mettre trop de prudence à prononcer sur les destinées d’une famille ; mais il faudrait que la sentence ne fût motivée que sur des incompatibilités certaines dans l’esprit des juges, vagues dans la formule judiciaire, inconnues au public. On ne plaiderait plus pour la haine et pour la vengeance, et on plaiderait beaucoup moins.

Plus on aplanira les voies de la délivrance, plus les naufragés du mariage feront d’efforts pour sauver le navire avant de l’abandonner. Si c’est une arche sainte comme l’esprit de la loi le proclame, faites qu’elle ne sombre pas dans les tempêtes, faites que ses porteurs fatigués ne la laissent pas tomber dans la boue ; faites que deux époux, forcés par un devoir de dignité bien entendue à se séparer, puissent respecter le lien qu’ils brisent et enseigner à leurs enfans à les respecter l’un et l’autre.

Voilà les réflexions qui se pressaient dans mon esprit la veille du jour qui devait décider de mon sort. Mon mari, irrité des motifs énoncés au jugement, et s’en prenant à moi et à mes conseils judiciaires de ce que les formes légales ont de dur et d’indélicat, ne songeait plus qu’à en tirer vengeance. Aveuglé, il ne savait pas que la société était là son seul ennemi. Il ne se disait pas que je n’avais articulé que les faits absolument