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investi de bien d’autres droits. Il peut déshonorer sa femme, la faire mettre en prison et la condamner ensuite à rentrer sous sa dépendance, à subir son pardon et ses caresses ! S’il lui épargne ce dernier outrage, le pire de tous, il peut lui faire une vie de fiel et d’amertume, lui reprocher sa faute à toutes les heures de sa vie, la tenir éternellement sous l’humiliation de la servitude, sous la terreur des menaces.

Imaginez le rôle d’une mère de famille sous le coup de l’outrage d’une pareille miséricorde ! Voyez l’attitude de ses enfans condamnés à rougir d’elle, ou à l’absoudre en détestant l’auteur de son châtiment ! Voyez celle de ses parens, de ses amis, de ses serviteurs ! Supposez un époux implacable, une femme vindicative, vous aurez un intérieur tragique. Supposez un mari inconséquent et débonnaire à ses heures, une femme sans mémoire et sans dignité, vous aurez un intérieur ridicule. Mais ne supposez jamais un époux vraiment généreux et moral, capable de punir au nom de l’honneur et de pardonner au nom de la religion. Un tel homme peut exercer sa rigueur et sa clémence dans le secret du ménage, il ne peut jamais invoquer le bénéfice de la loi pour infliger publiquement une honte qu’il n’est pas en son pouvoir d’effacer.

Cette doctrine judiciaire fut pourtant admise par les conseils de mon mari et plaidée plus tard par un brave homme, avocat de province, qui