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journaux. Ainsi une femme timide ou généreuse devra renoncer à respecter son mari ou à préserver ses enfans. Un de ses devoirs sera en opposition avec l’autre. Dira-t-on que, si l’amour maternel ne l’emporte pas, elle aura sacrifié l’avenir des enfans à la morale publique, à la sainteté de la famille ? Ce serait un sophisme difficile à admettre, et si l’on veut que le devoir de la mère ne soit pas plus impérieux que celui de l’épouse, on accordera au moins qu’il l’est tout autant.

Et si c’est l’époux qui demande la séparation, son devoir n’est-il pas plus effroyable encore ? Une femme peut articuler des causes d’incompatibilité suffisantes pour rompre le lien sans être déshonorantes pour l’homme dont elle porte le nom. Ainsi, qu’elle allègue la vie bruyante, les emportemens et les amours de son mari dans le domicile conjugal, c’est trop exiger d’elle sans doute pour la délivrer des malheurs qu’entraînent ces infractions à la règle ; mais enfin ce ne sont pas là des souillures dont un homme ne puisse se laver dans l’opinion. Il y a plus ; dans notre société, dans nos préjugés et dans nos mœurs, plus un homme est signalé pour avoir eu des bonnes fortunes, plus le sourire des assistans le complimente. En province surtout, quiconque a beaucoup fêté la table et l’amour passe pour un joyeux compère, et tout est dit. On le blâme un peu de n’avoir pas ménagé la fierté de sa femme