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J’étais revenue à La Châtre, chez Duteil ; j’avais fait toute la nuit des projets et des préparatifs de départ. Je m’étais assurée par emprunt une somme de dix mille francs avec laquelle j’étais résolue à enlever mes enfans et à fuir en Amérique si la déplorable requête était prise en considération. J’avoue maintenant, sans scrupule, cette intention formelle que j’avais de résister à l’effet de la loi, et j’ose dire très ouvertement que celle qui règle les séparations judiciaires est une loi contre laquelle la conscience du présent proteste, et une des premières sur lesquelles la sagesse de l’avenir reviendra.

Le principal vice de cette loi, c’est la publicité qu’elle donne aux débats. Elle force l’un des époux, le plus mécontent, le plus blessé des deux, à subir une existence impossible ou à mettre au jour les plaies de son âme. Ne suffirait-il pas de révéler ces plaies à des magistrats intègres, qui en garderaient le secret, sans être forcé de publier l’égarement de celui qui les a faites ? On exige des témoins, on fait une enquête. On rédige et on affiche les fautes signalées. Pour soustraire les enfants à des influences qui ne sont peut-être que passagèrement funestes, il faut qu’un des époux laisse dans les annales d’un greffe un monument de blâme contre l’autre. Et ce n’est encore là que la partie douce et voilée de semblables luttes. Si l’adversaire fait résistance, il faut arriver à l’éclat des plaidoiries et au scandale des