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la porte de notre appartement, situé au niveau du sol. Je l’entendais fort bien. Je lisais dans une chambre, mon mari dormait dans l’autre. J’ouvris la porte vitrée et appelai Pigon, pensant que c’était lui qui revenait et voulait entrer. J’allais ouvrir le volet, quand mon mari s’éveilla et me cria :

« Eh non, non, c’est le loup ! » Telle est la tranquillité de l’habitude, que mon mari se rendormit sur l’autre oreille et que je repris mon livre, tandis que le loup continuait à manger la porte. Il ne put l’entamer beaucoup, elle était solide ; mais il la mâchura de manière à y laisser ses traces. Je ne crois pas qu’il eût de mauvais desseins. Peut-être était-ce un jeune sujet qui voulait faire ses dents sur le premier objet venu, à la manière des jeunes chiens.

Un jour que, vers le coucher du soleil, mon beau-père allait voir un de ses amis à une demi-lieue de maison, il rencontra à mi-chemin, un loup, puis deux, puis trois, et en un instant il en compta quatorze. Il n’y fit pas grande attention ; les loups n’attaquent guère, ils suivent : ils attendent que le cheval s’effraie, qu’il renverse son cavalier, ou qu’il bronche et tombe avec lui. Alors il faut se relever vite ; autrement ils vous étranglent. Mon beau-père, ayant un cheval habitué à ces rencontres, continua assez tranquillement sa route ; mais lorsqu’il s’arrêta à la grille de son voisin pour sonner, un de ses quatorze acolytes sauta au flanc de son cheval et