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qui lui était comptée, et qui eût enivré bien d’autres. L’emploi borné d’un talent immense n’a pas suffi à son vaste rêve. Cela est bien pardonnable, nous le lui pardonnons tous, mais nous ne pouvons nous empêcher de regretter l’impuissance de nos efforts pour le retenir plus longtemps parmi nous.

D’ailleurs, ce n’était pas seulement au point de vue de son repos et de sa santé que je m’attachais à lui faire prendre patience. C’était en vue de son propre idéal de justice et de sagesse, qui me semblait compromis dans la lutte de ses instincts avec ses principes. En même temps qu’Éverard concevait un monde renouvelé par le progrès moral du genre humain, il acceptait en théorie, ce qu’il appelait les nécessités de la politique pure, les ruses, le charlatanisme, le mensonge même, les concessions sans sincérité, les alliances sans foi, les promesses vaines. Il était encore de ceux qui disent que qui veut la fin veut les moyens ! Je pense qu’il ne réglait jamais sa conduite personnelle sur ces déplorables erremens de l’esprit de parti, mais j’étais affligée de les lui voir admettre comme pardonnables, ou seulement inévitables.

Plus tard, la dissidence se creusa et porta sur l’idéal même. J’étais devenue socialiste, Éverard ne l’était plus.

Ses idées subirent encore des modifications après la Révolution de Février, qui l’avait intempestivement