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la pensée de les dépouiller pour ses besoins personnels était odieuse à Éverard. Il avait soif de faire fortune, non-seulement afin de ne jamais tomber à leur charge, mais encore, par un sentiment de tendresse et de fierté très concevable, afin de les laisser plus riches qu’il ne les avait trouvés en les adoptant.

Son âpreté au travail, ses soucis devant une dette, sa sollicitude dans le placement des fonds acquis à la sueur de son visage, avaient donc un motif sérieux et pressant. Ce n’est pas du tout là ce qu’on pouvait lui imputer à ambition ; mais quand un homme se dévoue à un rôle politique, il faut qu’il puisse sacrifier sa fortune, et celui qui ne le peut pas est toujours accusé de ne pas le vouloir.

La convoitise d’Éverard était d’une nature plus élevée. Il avait soif de pouvoir. Pourquoi ? Cela serait impossible à dire. C’était un appétit de son organisation, et rien de plus. Il n’était ni prodigue, ni vaniteux, ni vindicatif, et dans le pouvoir il ne voyait que le besoin d’agir et le plaisir de commander. Il n’eut jamais su s’en servir. Dès qu’il avait une carrière d’activité ouverte, il ressentait l’accablement et le dégoût de sa tâche. Dès qu’il était obéi aveuglément, il prenait ses séides en pitié. Enfin, en toutes choses, dès qu’il atteignait au but poursuivi avec ardeur, il le trouvait au-dessous de ses aspirations.