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et pleine de soins, venaient me voir une heure ou deux le soir, puis je passais la moitié des nuits seule dans un petit préau rempli de fleurs, sous la lune brillante, savourant ces belles senteurs de l’été et cette sérénité salutaire qu’il me fallait conquérir à la pointe de l’épée. D’un restaurant voisin, un homme qui ne savait pas mon nom venait m’apporter mes repas dans un panier que je recevais par la guichet de la cour. J’étais encore une fois oubliée du monde entier et plongée dans l’oubli de ma propre vie réelle.

Mais cette douce retraite ne pouvait pas durer. Je ne pouvais m’emparer de cette charmante maison, la seule peut-être qui me convînt dans toute la ville par son isolement dans un quartier silencieux et par son caractère d’abandon uni à un modeste confortable. D’ailleurs, il m’y fallait mes enfans, et cette claustration ne leur eût pas été bonne. Dès que j’aurais mis le pied dans une rue de Bourges, j’aurais été signalée dans toute la ville, et je n’acceptais pas l’idée d’une vie de relations dans une ville de province. Je ne me doutais pas que je touchais à une situation de ce genre, et que je m’en accommoderais fort bien.

Malgré les instances d’Éverard, j’abandonnai l’idée de m’établir de ce côté. Le pays me semblait affreux ; une plaine plate, semée de marécages et dépourvue d’arbres, s’étend autour de la ville comme la campagne de Rome. Il faut