Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/464

Cette page n’a pas encore été corrigée

ces inconséquences furent réelles. Elles ne partaient pas des entrailles de son sentiment. Elles étaient à la surface de son caractère, au degré du thermomètre de sa frêle santé. Nerveux et irascible, il se fâchait souvent avant d’avoir réfléchi, et son unique défaut était de croire avec précipitation à des torts qu’il ne prenait pas le temps de se faire prouver. Mais j’avoue que, pour ma part, bien qu’il m’en ait gratuitement attribué quelques-uns, il ne m’a jamais été possible de ressentir la moindre irritation contre lui. Faut-il tout dire ? J’avais comme une faiblesse maternelle pour ce vieillard que je reconnaissais en même temps pour un des pères de mon église, pour une des vénérations de mon âme. Par le génie et la vertu qui rayonnaient en lui, il était dans mon ciel, sur ma tête. Par les infirmités de son tempérament débile, par ses dépits, ses bouderies, ses susceptibilités, il était à mes yeux comme un enfant généreux, mais enfant à qui l’on doit dire de temps en temps :

« Prenez garde, vous allez être injuste. Ouvrez donc les yeux ! »

Et quand j’applique à un tel homme ce mot d’enfant, ce n’est pas du haut de ma pauvre raison que je le prononce, c’est du fond de mon cœur attendri, fidèle et plein d’amitié pour lui au delà de la tombe. Qu’y a-t-il de plus touchant, en effet, que de voir un homme de ce génie, de cette vertu et de cette science ne pouvoir