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gence éclose dans les liens des croyances du passé et condamnée par la Providence à les élargir et à les briser, à travers mille angoisses, sous la pression d’une logique plus puissante que celle des écoles, la logique du sentiment.

Voilà ce qui me frappa et me pénétra surtout quand je l’eus entendu se résumer en un quart d’heure de naïve et sublime causerie. C’est en vain que Sainte-Beuve avait essayé de me mettre en garde, dans ses charmantes lettres et dans ses spirituels entretiens, contre l’inconséquence de l’auteur de l’Essai sur l’indifférence. Sainte-Beuve n’avait pas alors dans l’esprit apparemment la synthèse de son siècle. Il en avait pourtant suivi la marche, et il avait admiré le vol de Lamennais jusqu’aux protestations de l’Avenir. En le voyant mettre le pied dans la politique d’action, il fut choqué de voir ce nom auguste mêlé à tant de noms qui semblaient protester contre sa foi et ses doctrines.

Sainte-Beuve démontrait et accusait le côté contradictoire de cette marche avec son talent ordinaire ; mais, pour sentir que cette critique-là ne portait que sur des apparences, il suffirait de regarder en face, des yeux de l’âme, et d’écouter avec le cœur l’ermite de la Chenaie. On sentait spontanément tout ce qu’il y avait de spontané dans cette âme sincère, dans ce cœur épris de justice et de vérité jusqu’à la passion. Mélange de dogmatisme absolu et de sensibilité impétueuse,