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On l’a dit, et on l’a très bien dit[1] et compris, jusqu’au lendemain de sa mort, les esprits droits et justes ont embrassé d’un coup d’œil cette illustre carrière de travaux et de souffrances ; la postérité le dira à jamais, et ce sera une gloire de l’avoir reconnu et proclamé sur la tombe encore tiède de Lamennais : ce grand penseur a été, sinon parfaitement, du moins admirablement logique avec lui-même dans toutes ses phases de développement. Ce que, dans des heures de surprise, d’autres critiques, sérieux d’ailleurs, mais placés momentanément à un point de vue trop étroit, ont appelé les évolutions du génie, n’a été chez lui que le progrès divin d’une intelli-

  1. Ce grand homme si méconnu, si calomnié durant sa vie, insulté jusque sur son lit de mort par les pamphlétaires, ce prêtre du vrai Dieu, crucifié pendant soixante ans, a été cependant enseveli avec honneur et vénération par les écrivains de la presse sérieuse. Quand j’aurai, moi, l’honneur de lui apporter un tribut plus complet que celui de ces quelques pages, je ne dirai certes pas mieux qu’il n’a été dit dans ce même feuilleton par M. Paulin Limayrac, et avant lui, quelque temps avant la mort du maître, par Alexandre Dumas (28 et 29 septembre 1853). Ce chapitre des mémoires de l’auteur d’Antony est à la fois excellent et magnifique ; il prouve que le génie peut toucher à tout, et que le romancier fécond, le poète dramatique et lyrique, le critique enjoué, l’artiste plein de fantaisie et d’imprévu, tous les hommes qui sont contenus dans Alexandre Dumas n’ont pas empêché l’écrivain philosophique de se développer en lui et de faire sa preuve, à l’occasion, avec une égale puissance.