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dans le monde politique avec toutes les illusions d’un enfant sur l’avenir de la France. Après une vie d’étude, de polémique et de discussion, il allait quitter définitivement sa Bretagne pour mourir sur la brèche, dans le tumulte des événemens, et il commençait sa campagne de glorieuse misère par l’acceptation du titre de défenseur des accusés d’avril.

C’était beau et brave. Il était plein de foi, et il disait sa foi avec netteté, avec clarté, avec chaleur ; sa parole était belle, sa déduction vive, ses images rayonnantes ; et chaque fois qu’il se reposait dans un des horizons qu’il a successivement parcourus, il y était tout entier, passé, présent et avenir, tête et cœur, corps et biens, avec une candeur et une bravoure admirables. Il se résumait alors dans l’intimité avec un éclat que tempérait un grand fonds d’enjouement naturel. Ceux qui, l’ayant rencontré perdu dans ses rêveries, n’ont vu de lui que son œil vert, quelquefois hagard, et son grand nez acéré comme un glaive, ont eu peur de lui et ont déclaré son aspect diabolique. S’ils l’avaient regardé trois minutes, s’ils avaient échangé avec lui trois paroles, ils eussent compris qu’il fallait chérir cette bonté tout en frissonnant devant cette puissance, et qu’en lui tout était versé à grandes doses, la colère et la douceur, la douleur et la gaîté, l’indignation et la mansuétude.