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se trouvaient suspendues, je ne sais plus pour quel motif. Les vastes pièces de ce beau local étaient encombrées de pierres et de bois de travail : les portes donnant sur le jardin avaient été enlevées, et le jardin lui-même fermé, désert et abandonné, attendait une métamorphose. J’eus donc là une solitude complète, de l’ombrage, de l’air et de la fraîcheur. Je fis de l’établi d’un menuisier un bureau bien suffisant pour un petit attirail, et j’y passai les journées les plus tranquilles que j’aie peut-être jamais pu saisir, car personne au monde ne me savait là, que le portier, qui m’avait confié la clé, et ma femme de chambre, qui m’y apportait mes lettres et mon déjeuner. Je ne sortais de ma tanière que pour aller voir mes enfans à leurs pensions respectives. J’avais remis Solange chez les demoiselles Martin.

Je pense que tout le monde est, comme moi, friand de ces rares et courts instans où les choses extérieures daignent s’arranger de manière à nous laisser un calme absolu relativement à elles. Le moindre coin nous devient alors une prison volontaire, et, quel qu’il soit, il se pare à nos yeux de ce je ne sais quoi de délicieux qui est le sentiment de la conquête et de la possession du temps, du silence et de nous-mêmes. Tout m’appartenait dans ces murs vides et dévastés, qui bientôt allaient se couvrir de dorures et de soie, mais dont jamais personne ne devait jouir à ma